Chaque année, le Cercle du Leadership publie des ouvrages collectifs pour garder en mémoire ses travaux, étendre son influence, valoriser ses réflexions aux yeux des tiers. Chaque année, je prends ma plume pour y contribuer. Voici le dernier article sur le sujet de L’énergie spirituelle.
Institut de recherche appliquée en énergie spirituelle
Paris, septembre 2050.
Ce n’est jamais sans une pointe d’amusement qu’Annie, dynamique quinqua en tailleur-pantalon et chaussures de jogging végans, quitte l’Institut de recherche appliquée en énergie spirituelle à l’issue de ce premier cours de l’année. Chercheuse en économie spirituelle, elle est aussi enseignante et, à chaque rentrée académique, elle remarque les réactions stupéfaites des étudiants qui suivent le cursus « Énergies et économie ». En effet, bien que sa discipline soit relativement récente, les questions qui l’entourent sont beaucoup plus anciennes. Dès 1919, le philosophe Henri Bergson a publié un livre intitulé L’Énergie spirituelle. Dans ce recueil d’articles, Bergson insiste sur un point fondamental selon lui : notre connaissance du monde ne peut être uniquement basée sur le raisonnement logique. C’est ce qu’il nomme notre intuition : le fruit du travail de l’intelligence et ce qui nous permet de saisir la réalité dans sa totalité. Bergson a ainsi cherché à construire une « métaphysique positive », une philosophie qui chercherait à décrypter le sens de la vie et de l’existence humaine tout en restant au contact de la réalité. L’énergie spirituelle serait le résultat de l’effort intellectuel que notre conscience effectue dans le but de créer et d’atteindre un objectif qui va au-delà de notre intérêt personnel.
« Bergson croyait donc en la spiritualité ? » a demandé un étudiant. Annie s’est empressée de souligner une distinction importante selon elle : « L’énergie spirituelle est liée à la connaissance de l’esprit et à ses rapports avec le monde réel. Quant à la spiritualité, elle fait référence à une dimension plus large, parfois ésotérique. Pour Bergson, par exemple, la question de la spiritualité englobait l’existence de Dieu. De mon point de vue cependant, la spiritualité n’est pas un système religieux et n’est pas liée à un dogme. Quand elle s’exprime avec bienveillance et sans volonté de domination, l’énergie spirituelle nous permet de retrouver confiance et paix intérieures, sources de joie profonde. » Des mains s’étaient levées dans l’amphi, mais le cours se terminait déjà…
D’autant qu’Annie doit se dépêcher : elle a rendez-vous avec son amie Rachel, qui a remplacé sa mallette d’ordinateur et ses talons par un sac à dos et des rangers. Annie et Rachel se sont connues sur les bancs de la fac. Annie a suivi la voie de la recherche universitaire, Rachel a intégré le monde de l’entreprise. Mais finalement, leurs préoccupations se sont rejointes : comment appréhender l’énergie spirituelle dans notre vie quotidienne ? Pour Rachel, cela s’est manifesté autour des années 2020 avec le mouvement des leaders spirituels. La crise sanitaire due à la Covid a accéléré la remise en question des modèles managériaux. Après des mois d’isolement, il était urgent de prendre en considération la question du sens au travail. C’est ainsi qu’a émergé un nouveau leadership, le leadership spirituel, fondé sur les valeurs et la reconnaissance des autres dans toutes leurs dimensions. Un nombre croissant de dirigeants d’entreprises ont réalisé que les gens n’étaient pas uniquement des machines à produire de la plus-value, mais aussi des êtres humains qui avaient besoin d’approfondir leur connaissance d’eux-mêmes et d’exprimer leurs émotions. Transcendance, pratiques spirituelles, sagesse contemplative, humilité… Autant de thèmes porteurs pour les collaborateurs et nécessaires à la bonne marche d’une entreprise. Cela semble évident aujourd’hui, mais dans les années 2020, ces questions venaient tout juste d’être abordées.
Label 100 % énergie spirituelle
Annie rejoint enfin Rachel à la coopérative Don José Carmen, du nom de cet agriculteur mexicain qui dans les années 1990 avait stupéfait les agronomes en prouvant qu’il était possible de faire pousser de grandes quantités de légumes sans apports chimiques. Sa recette : des fertilisants naturels, un arrosage à bon escient et surtout une attention de tous les instants pour ses cultures. Les sceptiques ricanaient lorsqu’il disait qu’il donnait de l’amour à ses cultures, mais les résultats étaient là : des choux de 45 kilos, des pieds de maïs de 5 mètres de haut, des feuilles de blette d’un mètre cinquante de long, 110 tonnes d’oignons par hectare contre 16 tonnes sans ces fervents adjuvants… Miracle ? Pas du tout. Don José Carmen avait simplement eu l’intuition des principes de la physique quantique. Merci Bergson ! Il avait compris à quel point l’esprit humain était connecté à la nature qui l’entoure et que les ondes qu’il émettait pouvaient avoir un effet prodigieux. Disons que dans son cas, l’énergie spirituelle ne faisait pas les choses à moitié.
Reprenant son exemple, un grand nombre d’agriculteurs ont décidé de commercialiser des produits portant le label « 100 % énergie spirituelle ». C’est d’ailleurs ce qui explique la présence de Rachel. Il y a quelques années, elle a repris avec son mari un domaine viticole. Leur objectif était de proposer un vin de qualité, mais conçu selon les principes de la biodynamie : pas de pesticides, mais des soins naturels adaptés à leur vignoble et… de la musique. Ou pour être plus précis des sons diffusés à une certaine hauteur et selon une fréquence précise qui empêchent la formation de mousses et de champignons sur les vignes et donc favorisent un meilleur rendement à l’hectare. Une autre application concrète de la physique quantique !
« Tu te souviens de notre prof de management ? s’amuse Rachel. Sa tête lorsque je lui ai parlé de yoga et de stages de méditation en entreprise ?
‒ Il a cru que tu faisais partie d’une secte.
‒ À l’époque, beaucoup de gens étaient sceptiques, c’est vrai.
‒ Dès qu’on abordait la question, on était rangés dans la case des hippies. »
Du New Age à la révolution quantique
Il est vrai que le New Age, apparu aux États-Unis dans les années 1970, a vu émerger une multitude de voies nouvelles visant à mieux mettre en pratique l’énergie spirituelle. Certaines expériences inspirées des philosophies orientales comme le reiki ou la méditation de pleine conscience reposaient sur une démarche réfléchie, destinée à reconnecter le corps, l’esprit et le psychisme. D’autres permettaient surtout à leur concepteur de briller devant des adeptes et d’exploiter un marché lucratif.
Comment l’interpréter ? Rejet de la société de consommation ? Lassitude du consumérisme ambiant ? Quelle qu’en soit la cause, les années 2000 ont vu un regain d’intérêt pour les démarches spirituelles. De nouveaux mouvements de mobilisation écologique, tels « les Colibris[1] », ont intégré des valeurs spirituelles dans leurs discours. La spiritualité devint synonyme d’authenticité, de créativité et de partage, incitant leurs participants à développer une énergie intérieure et sans ego.
On a noté un intérêt croissant pour les implications de la physique quantique, quand bien même les travaux de Max Planck, Albert Einstein ou Werner Heisenberg pouvaient paraître bien abstraits[2]. En effet, comment se représenter que l’univers est un enchevêtrement d’ondes énergétiques immatérielles ? Et pourtant, si nous pouvions voir un atome à travers un microscope, nous découvririons une petite tornade, un vortex dans lequel tourbillonnent quarks et photons. Les atomes n’ont pas de structures visibles, car ils sont constitués d’énergie invisible et non de réalité tangible. C’est la connexion de notre conscience avec cette énergie invisible qui nourrit l’énergie spirituelle. Voilà pourquoi le Dalaï-Lama nous rappelle que tous les atomes de notre corps incluent une partie de cette ancienne toile créée par l’Univers dans le passé. Nous sommes de la poussière d’étoiles, biologiquement connectés à n’importe quel être vivant.
L’un des sujets les plus sensibles concernait la médecine. Dans les années 1970, le chercheur en biophysique Fritz-Albert Popp a fait une découverte étonnante : la communication à l’intérieur du corps humain n’était pas assurée uniquement par le « câblage » matériel du système nerveux, mais aussi par un réseau de télécommunication sans fil où chaque organe peut être comparé à une antenne émettrice et réceptrice[3]. On savait déjà que l’esprit et le corps étaient intimement liés, mais voilà qu’un être humain pouvait se soigner lui-même s’il utilisait toute la puissance de son énergie spirituelle. Les intérêts de l’industrie pharmaceutique, pour qui le corps ne peut se soigner que par des médicaments, se retrouvaient menacés. Ce débat reste encore ouvert aujourd’hui.
Énergie spirituelle et connexion universelle
Annie en est convaincue, un jour on arrivera à expliquer scientifiquement comment les rebouteux, magnétiseurs, guérisseurs et autres chamanes, qui existent depuis la nuit des temps, utilisent leur énergie spirituelle pour guérir leurs patients. Ce n’est pas de la science-fiction : dès les années 2020, des chercheurs russes ont mis au point des appareils électromagnétiques pour non seulement diagnostiquer, mais aussi guérir toutes les pathologies possibles chez leurs astronautes effectuant des vols orbitaux de longue durée. Ces appareils de biofeedback quantique sont maintenant disponibles pour le grand public, mais ils suscitent toujours la controverse.
« Tu as entendu parler de ce terrible tremblement de terre en Inde, je suppose ? demande Rachel. Veux-tu participer au cercle de prières ? » Annie hésite. Là encore, on aborde un sujet sensible, le plus sensible de tous peut-être. Depuis des années et dans le monde entier, des cercles de prières se créent pour aider des personnes qui vivent des situations de crise. Leur objectif est de concentrer en un lieu précis un grand nombre de gens qui envoient une énergie positive très forte à destination de ceux qui en ont besoin. Annie ne rejette pas les convictions de Rachel : elle est souvent partagée entre sa connaissance de la puissance de l’énergie spirituelle et une démarche plus rationaliste.
Annie est cependant convaincue d’une chose : à l’instar des énergies physique, mentale et émotionnelle, l’énergie spirituelle constitue une dimension essentielle de l’être humain, une dimension qu’il gagnera à développer pour lui-même comme pour l’univers qui l’abrite.
Elle regarde Rachel et sourit en se rappelant le moment où elle a ressenti cette intuition et où l’évidence s’est fait jour. Oui, elle se souvient de ce matin où Rachel lui a prêté Nos énergies essentielles, un livre du Cercle du Leadership. C’était bien la preuve que quand des esprits se regroupent et travaillent en bonne intelligence, l’énergie qui s’en dégage est phénoménale. En terminant sa lecture, elle avait pris sa décision : elle consacrerait sa vie à étudier les énergies et leur capacité à rendre le monde meilleur.
[1]Créé en 2007 sous l’impulsion de Pierre Rabhi, Cyril Dion et quelques proches, Colibris se mobilise pour la construction d’une société écologique et humaine. L’association place le changement personnel au cœur de sa raison d’être, convaincue que la transformation de la société est totalement subordonnée au changement humain. Colibris s’est donné pour mission d’inspirer, relier et soutenir les citoyens engagés dans une démarche de transition individuelle et collective. www.colibris-lemouvement.org/
[2]M. Planck, Initiations à la physique, Flammarion, 1941 ; W. Heisenberg, La Partie & le tout ‒ Le monde de la physique atomique, Albin Michel, 1972 ; A. Einstein, L. Infeld, L’Évolution des idées en physique ‒ Des premiers concepts aux théories de la relativité et des quanta [1936], Champs Sciences, 2015.
[3]F.-A. Popp, La Biologie de la Lumière, Résurgences, 1998.
La cérémonie des prix du LEADSERSHIP 2021 a permis de découvrir les travaux 2021 du Cercle : une réflexion sur « nos essentielles énergies » et « notre propre leadership énergétique » avec le témoignage exclusif de Fernando Costa, artiste-sculpteur.
Ci-dessous, la vidéo de Dominique Barreau sur le thème de l’énergie spirituelle !
